Cher Père Noël,
Je t’écris cette lettre mûrie depuis quelques années, alors qu’Alep danse sa mort et que je passe toutes mes soirées à tenter de finir les présents faits main que j’adresserai cette année à ma tribu. Les fêtes qui approchent auront pour ma famille un tout autre visage que celles que nous avons célébrées dans l’euphorie, la profusion de cadeaux et une certaine insouciance, depuis toujours. Elles auront la pâleur des années terribles, l’entrain de ceux qui tentent de se relever, et l’ombre portée d’une humanité vacillante.
Elles seront abîmées par les horreurs qui ont lieu aux portes du monde, dans une indignation générale qui frôle l’immobilisme.
Elles auront aussi l’éclat de l’enfance, pour Romy, et la douceur d’une parenthèse chaleureuse. On se serrera les uns contre les autres, cette année, on parlera peu des combats, on aura dans le coeur la complicité du chagrin et l’envie d’être capables de joie.
Avant, nous t’adressions des listes et nous jonglions avec mille espoirs face aux parterres de cadeaux qu’on retrouvait sous le sapin maternel et paternel. On essayait de rester dans des dépenses raisonnables, on dépassait toujours en faisant fi des découverts. On était tous un peu crevés, à la fin des vacances. On oubliait parfois qui avait offert quoi à qui. Mais on aimait le parfum des bougies, le repas gargantuesque et les centaines de rubans colorés. On aimait rentrer chez nous riches de souvenirs, et de nouveaux présents.
On disait que l’avalanche de cadeaux fait partie de Noël, et que tous les adultes devraient y avoir droit. On répétait qu’on serait plus raisonnables l’année suivante, et on oubliait vite, parce qu’il n’y a pas tant d’occasion de se jeter à corps perdu dans la magie, de nos jours. Alors pourquoi y renoncer.
Mais je crois, cher Père-Noël, que l’on ne renonce qu’à ce dont on a besoin. Et j’ai fini par réaliser que je n’avais plus besoin de cette version de Noël. J’ai adoré jongler avec cette course aux surprises et ces listes de Noël, elles ne correspondent simplement plus aujourd’hui ni à ce que j’espère pour ma fille et ma femme, ni à ce que nous sommes capable de réaliser d’un point de vue financier.
Tu l’as sans doute compris, cette lettre n’a rien d’une rupture : elle naît de mon désir de continuité, et ne concerne que nous évidemment.
Continuité d’un monde qui souffre dans son humanité, où il me parait difficile de penser notre chance sans veiller à un peu plus d’équilibre.
Continuité de vie, pour la famille que je bâtis et qui ne peut plus être haletante financièrement durant plusieurs mois, sous prétexte de générosité.
Par ricochet, continuité de valeurs et d’éducation, car il me parait tellement plus important d’accorder leur juste prix aux cadeaux mûrement réfléchis, ou fabriqués avec amour, même s’il y en a moins.
Et enfin, continuité d’amour, cette béance intime, pour ce deuil indicible qui hante toute notre famille, et face auquel nous ne pourrons plus trinquer comme avant.
Je voudrais te dire merci, Père Noël, pour tes années de fête et d’indulgence envers mes listes bien fournies. Je veillerai à ce que Romy ait à coeur de penser tendrement ces fêtes lorsqu’elle sera en âge de t’écrire ses premières lettres. Je lui apprendrai ta magie. Je serai attentive à ce qu’elle n’exige rien, mais qu’elle espère. A ce qu’elle mesure sa chance, et qu’elle accorde plus de prix à l’attention portée par ceux qui l’entourent, qu’au nombre de jouets et au matérialisme qui nous épuise.
Cette année, je ferai particulièrement mon possible pour habiller Noël de lumière. Ce sera différent, il ne peut pas être autrement, et je te dis bon vent.
Embrasse les enfants du monde, et n’oublie pas de gâter mes proches, qui guettent en secret les grelots de ton traîneau.
Avec toute ma fidélité,
Man0umi
C’est l’esprit de Noël le plus pur qui habite ce billet, loin du matérialisme de notre société actuelle, c’est très beau.
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Merciiii 😘
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J’en suis au même point que toi vis à vis de Noël et de toute cette opulence. Trop de tout, et c’est encore plus flagrant depuis que nous avons 4 enfants. Cette année, j’essaie de limiter les excès, mais pas facile de faire machine arrière après tant d’année de trop plein.
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J’imagine qu’il faut y aller par petites touches avec ta tribu ! Mais je suis sûre que NOËL sera très heureux
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Ta lettre raisonne tellement en moi. Mes envies et priorités ont changé cette année pour Noël.
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Oui, les choses évoluent et j’imagine qu’avec ta seconde grossesse des changements se profilent ! L’important reste d’être ensemble, durant les fêtes 🙂
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Exactement ! Le plus important est d’être en présence des gens qui comptent 🙂
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Ô qu’il est est beau, cet article, ô comme il me parle, surtout !
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Merci Eulalie !
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